terça-feira, 31 de agosto de 2010

1838 – L’ARTISTE

1838

L’ARTISTE

Vol. XV

1e Serie

Pag. 143, 144

DIORAMA

ÉGLISE ROYALE DE SANTA-MARIA-NUOVA,

A MORREALE, EN SICILE,

PAR M. DAGUERRE

Dans un spectacle comme celui que le Diorama offre au public, le bon choix du sujet est une chose trés importante, quelque soit d'ailleurs le mérite de l’exécution. Il ne s'agit pas seulement, en effet, de montrer un site pittoresque ou un monument grandiose et fantastique, car alors l'œil seul est flatté; il n'y a rien pour l'intelligence, rien dont on désire conserver l'image ou le souvenir. Nous rangerons parmi ces représentations de peu de portée, l'Inauguration du Temple de Salomon. Sans doute l'esprit est étonné en présence de ces gigantesques édifices, éclairés d'une maniére prestigieuse, et autour desquels se pressent les flots du peuple qui vient adorer le Dieu qui l'a guidé quarante ans à travers le désert. Ces colonnades, ces portiques, ces grandes statues, ces immenses escaliers qui semblent faits pour conduire au ciel, ces pérystiles illuminés par mille lampes sacrées, ces somptueux monumens qui dessinent leurs masses pittoresques dans le lointain, présentent un ensemble imposant, mais, nous le répétons ne suffisent pas pour captiver long-temps l'intérêt du public. M. Daguerre a été bien mieux inspiré quand il a songé à peindre la vue inlérieure de l'église de Santa-Maria-Nuova. Cetle église est une des constructions les plus grandes et les plus belles de la Sicile. Elle fait d'ailleurs époque dans l'histoire de l'architecture. Sa description peut donner une idée de son importance.

La basilique de Morreale fut fondée par Guillaume II, dit le Bon, vers 1170, et terminée en 1177; elle est bâtie sur d'assez vastes dimensions. C'est un type remarquable du style bysantin. Son plan est conforme au rite grec, et les motifs de sa décoratien rappellent, d'une manière toute spéciale, ceux qu'on retrouve dans les églises orientales. Elle est divisée en trois nefs et présente neuf travées. Ses colonnes en granit et en porphyre,de vingt-trois pieds de haut, semblent empruntées à plusieurs monumens antiques. Les chapitaux sont décorés dans leurs deux tiers inférieurs de feuilles d'acanthe; mais les volutes ont été remplacées par des cornes d'abondance, et les roses par des cartouches dans lesquels sont sculptées des figures de saints. Les retombées des arcades portent à faux sur l'abaque des chapiteaux. C'est un des caractères de l'architecture byzantine, et surtout de l'architecture saracénique. Les murs et les voussures des arcs sont rehaussées de mosaïques dans le genre de celles de Ste. Sophie, de Constantinople. Les murailles des bas côtés étaient décorées de marquetteries aujourd'hui très-détériorées. L'église est formée de dalles en marbre de diverses couleurs, et qui produisent un très bon effel. Outre la richesse des matériaux employés dans la construction de Santa-Maria-Nuova, on doit surtout signaler, la forme de toutes les arcades, qui sont en tiers-point. Cette église est la première de celles de la Sicile et même de l'Italie, dans laquelle l'ogive ait été employée. Sans doute on trouve l'ogive au palais de la Ziza, que Seroux d'Agincourt fait remonter au IXe siécle, mais cette date a été contestée avec raison. En Sicile, l'architecture dans laquelle on emploie l'arc en liers-point est appelée française ou normande, parce que cet arc a été mis en usage à l'époque où les Normands étaient maîtres de Palerme. On s'est appuyé sur ce fait pur démontrer l'origine française de l'ogive (1) ([i]); mais on conçoit que ce n'est là qu'une preuve de peu de valeur.

Cette basilique si somptueuse et si magnifique a été rendue avec un incroyable bonheur par M. Daguerre. Mosaïques, sculptures, tableaux, tous les détails qui en rehaussent l'éclat sont reproduits avec uue parfaite exactitude. On peul dire que ceux qui ont vu l'église de Santa-Maria-Nuova, au Diorama, en ont une idée presque aussi exacte que ceux qui ont visité Morreale. Aprés avoir vu le temple chrétien de Guillaume II, par un brillant soleil, dont la lumière envahit de toutes parts le chœur et les nefs, on y assiste à un sermon qui se prêche la nuit, à la lueur de quelques lampes qui projettent leurs pâles reflets sur une foule de fidèles, rangés autour de la chaire sacrée. Avant d'arriver à cet effet de nuit, l'église passe graduellement du jour le plus éblouissant a l'obscurilé la plus complète. Les ombres grandissent peu à peu, les nefs deviennent de plus en plus profondes, les angles s'effacent insensiblement. Le crépuscule jette encore sur les colonnes et les boiseries du plafond ses reflets incertains, mais bientôt les ténébres les plus épaisses règnent dans tout l'édifice. Le froid saisit, pour ainsi dire, au milieu de cette sombre solitude, d'ou la vie sertible avoir disparu avec la lumière. Voici maintenant la prédication qui va commencer. Une lampe et quelques cierges s'allument autour de la chaire, et montrent le peuple des fidèles agenouillé pour la prière. Cet effet est d'une vérité frappante, et touche de bien près à la réalité. Les profils se dessinent, comme il convient, d'une manière vague, et les ombres sont distribuées avec beaucoup de science. Pour comprendre tout ce qu'il y a d'étonnant dans ce spectacle, il ne faut pas oublier que tout est peint sur la mème toile, et que la lumière qui éclaire le tableau est seule mobile. L'église royale de Morreale est, à notre avis, d'une exécution bien supérieure à l'Eglise de St-Etienne-du-Mont, également peinte par M. Daguerre, et qui, d'ailleurs, a été, avec raison, vivement admirée. Il serait à désirer que le Diorama fût plus populaire. Par malheur, le prix élevé des entrées n'est pas à la portée de toutes les fortunes, et ne le sera pas nécessairement tant que le gouvernement ne viendra pas en aide à une entreprise qui mérite d'être encouragée. Pourquoi ne céderait-on pas, pour y établir un immense diorama, une partie des vastes emplacemens que comprennent les Champs Elysées. Au lieu d'un ou de deux tableaux, on pourrait en faire voir ou huit ou dix, représentant les lieux les plus célèbres et les monumeus les plus curieux. Alors, un certain jour de chaque semaine, le prix d'entrée serait diminué assez pour que la vue de tant de merveilles ne fût pas exclusivement le privilége du riche. Le succès des exercices équestres de Franconi, aux Champs Elysées, devrait décider le pouvoir à faire la concession que nous demandons pour un Diorama.

L.-B.


 



([i]) (1) L'ogive est appelée, en Sicile, arco impastrato, de pastora, entrave, corde dont on lie les pieds des chevaux dans les paturages.

1839, 2 de Janeiro – LE DRAPEAU TRICOLORE

1839

2 de Janeiro

Le Drapeau Tricolore

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1839

2 de Janeiro

Le Drapeau Tricolore

VARIÉTÉS.

LE DADUERRÉOTYPE :

 

Sous cette dénomination M. Daguerre, peintre, inventeur et directeur du Diorama désigne un procédé à l’aide duquel, sans aucune notion du dessin, sans aucune connaissance en chimie et en physique, on pourra en quelques minutes prendre les points de vue les plus détaillés, les sites les plus pitoresques. Chacun à l’aide du Daguerréotype, pourra faire avec facilité et promptitude la vue de son château ou de sa maison de campagne, même un portrait au naturel. L’idée première de cet important procédé est due à un de nos compatriotes, au studieux et savant Nicèphore Nièpce : après une mort prématurée qui vint enlever M. Nièpce à la science et à ses nombreux amis, un d’entre eux, M. Daguerre recueilli les notes prises sur ce pocédé et, à force d’étude, il l’a enfin conduit au degré de perfection où il est aujourd’hui. Une souscription doit être ouverte en janvier 1839, dont le but sera de livrer aux souscripteurs la connaissance de cet admirable procédé. 

Alf. Letellier

segunda-feira, 30 de agosto de 2010

1839, 6 de Janeiro

1839

6 de Janeiro

 

Na Gazette de France, é publicada uma notícia sobre a invenção de Daguerre. Esta mesma notícia é publicada na THE LITERARY GAZETTE AND JOURNAL OF BELLES LETTRES, ARTS, SCIENCES, No. 1147, London, Saturday, January, 12, 1839, pAG.28

1839, 7 de Janeiro - COMPTES RENDUS DES SÉANCES DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES

1839

7 de Janeiro

COMPTES RENDUS  DES SÉANCES DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES

T. VIII

Nº. 1

Janvier-Juin

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1839

7 de Janeiro

COMPTES RENDUS  DES SÉANCES DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES

T. VIII

Nº. 1

Janvier-Juin

Pags. 4,5,6,7.

 PHYSIQUE APPLIQUÉE. -  Fixation des images qui se forment au foyer d'une chambre obscure

M. Arago prend la parole pour donner verbablement à l'Académie une idée générale de la belle découverte que M. Daguerre a faite, et sur laquelle la majeure partie du public n'a eu jusqu'ici que des notions erronées.

Tout le monde, dit M. Arago, connaît l'appareil d'optique appelé chambre obscure ou chambre noire, et dont l'invention appartient à J.-B. Porta; tout le monde a remarqué avec quelle netteté, avec quelle vérité de formes, de couleur et de ton, les objects extérieurs vont se reproduire sur l'écran placé au foyer de la large lentille qui constitue la partie essentielle de cet instrument; tout le monde après avoir admiré ces images, s'est abandonné au regret qu'elles ne pussent pas être conservées.

Ce regret sera désormais sans objet: M. Daguerre a découvert des écrans particuliers sur lesquels l'image optique laisse une empreinte parfaite; des écrans où tout ce que l'image renfermait se trouve reproduit jusque dans les plus minutieux détails, avec une exactitude, avec une finesse incroyables. En vérité, il n'y aurait pas d'exagération à dire que l'inventeur a découvert les moyens de fixer les images, si sa méthode conservait les couleurs; mais, il faut s'empresser de le dire pour détromper une partie du public, il n'y a dans les tableux, dans les copise de M. Daguerre, comme dans un dessin au crayon noir, comme dans une gravure au burin, ou, mieux encore (l'assimilation sera plus exacte), comme dans une gravure à la manière noire ou à l'aquatinta, que du blanc, du noir et du gris, que de la lumière, de l'obscurité et des demi-teintes. En un mot, dans la chambre noire de M. Daguerre, la lumière reproduit elle-même les formes et les proportions des objets extérieurs, avec une précision presque mathématique; les rapports photométriques des diverses parties blanches, noires, grises, sont exactement conservés; mais des demi-teintes représentent le rouge, le jaune, le vert, etc., car la méthode crée des dessins et non des tableaux en couleur.

Les principaux produits de ses nouveaux procédés que M. Daguerre a mis sous les yeux de trois membres de l'Académie, MM. de Humboldt, Biot et Arago, sont une vue de la grande galerie qui joint le Louvre aux Tuileries; une vue de la Cité et des tours de Notre-Dame; des vues de la Seine et de plusieurs de ses ponts, des vues de quelques- -unes desbarrières de la capitale. Tous ces tableaux supportent l'examen à la loupe, sans rien perdre de leur pureté, du moins pour les objets qui étaient immobiles pendant que leurs images s'engendraient.

Le temps nécessaire à l'exécution d'une vue, quand on veut arriver à de grandes vigueurs de ton, varie avec l'intensité de la lumière et, dès-lors, avec l'heure du jour et avec la saison. En été et en plein midi, huit à dix minutes suffisent. Dans d'autres climats, en Egypte, par exemple, on pourrait probablement se borner à deux ou trois minutes.

Le procédé de M. Daguerre n'a pas seulement exigé la découverte d'une substance plus sensible à l'action de la lumière que toutes celles dont les physiciens et les chimistes se sont déjà occupés. Il a fallu trouver endore le moyen de lui enlever à volonté cette propriété; c'est ce que M. Daguerre a fait: ses dessins, quand il les a terminés, peuvent être exposés en plein soleil sans en recevoir aucune altération.

L'extrême sensibilité de la préparation dont M. Daguerre fait usage, ne constitue pas le seul caractère par lequel sa d´rcouverte diffère des essais imparfaits auxquels on s'était jadis livré pour dessiner des silhouettes sur une couche de chlorure d'argent. Ce sel est blanc, la lumière le noircit, la partie blanche des images passe donc au noir, tandis que les portions noires, au contraire, restent blanches. Sur les écrans de M. Daguerre, et l'objet sont tout pareils: le blanc correspond au blanc, les demi-teintes aux demi-teintes, le noir au noir.

M. Arago a essayé de faire ressortir tout ce que l'invention de M. Daguerre offrira de ressources aux voyageurs, tout ce qu'en pourront tirer aujourd'hui, surtout, les sociétés savantes et les simples particuliers qui s'occupent avec tant de zèle de la représentation graphique des monuments d'architecture répandus dans les divers parties du royaume. La facilité et l'exactitude qui résulteront des nouveaux procédés, loin de nuire à la classe si intéressante des dessinateurs, leur procurera un surcroît d'occupation. Ils travailleront certainement moins en plein air, mais beaucoup plus dans leurs ateliers.

Le nouveau réactif semble aussi devoir fournir aux physiciens et aux astronomes des moyens d'investigation très précieux. A la demande des Académiciens déjà cités, M. Daguerre a jeté l'image de la lune, formée au foyer d'une médiocre lentille, sur un de ses écrans, et elle a laissé une empreinte blanche évidente. En faisant jadis une semblable expérience avec le chlorure d'argent, une Commission de l'Académie composée de MM. Laplace, Malus et Arago, n'obtint aucun effet appréciable. Peut-être l'exposition à la lumière ne fut-elle pas assez prolongée. En tout cas, de M. Daguerre aura été le premier à produire une modification chimique sensible à l'aide des rayons lumineux de notre satellite.

L'invention de M. Daguerre est le fruit d'un travail assidu de plusieurs années, pendant lesquelles il a eu pour collaborateur son ami, feu M. Niece, de Châlons-sur-Saône. En cherchantcomment il pourrait être dédommagé de ses peines et de ses dépenses, ce peintre distingué n'a pas tardé à reconnaître qu'un brevet d'invention ne le conduirait pas au but: une fois dévoilés, ses procédés seraient à la disposition de tout le monde. Il semble donc indispensable que le Gouvernement dédommage directement de M. Daguerre et que la France, ensuite, dote noblement le monde entier d'une découverte qui peut tant contribuer aux progrès des arts et des sciences. M. Arago annonce qu'il adressera à ce sujet une demende au Ministère ou aux Chambres, dès que M. Daguerre, qui a proposé de l'initier à tous les d'étails de sa méthode, lui aura prouvé qu'aux admirables propriétés dont les résultats obtenus sont une manifestation si éclatante, cette méthode joint, comme l'annonce l'inventeur, le mérite d'être économique, d'être facile, de pouvoir être employée en tout lieu par les voyageurs.

 

« M. Biot déclare s'associer complétement à l'exposition que M.Arago vient de faire des étonnants résultats obtenus par M. Daguerre. Ayant eu plusieurs fois l'avantage de les voir, et d'entendre M. Daguerre raconter quelques-unes des nombreuses expériences qu'il a faites sur la sensibilité optique de la préparation qu'il est parvenu à composer, M. Biot pense avec M. Arago qu'elle fournira des moyens aussi nouveaux que désirables pour étudier les propriétés d'un des agents naturels qu'il nous importe le plus de connaître et que jusqu'ici nous avions si peu de moyens de soumettre à des épreuves indépendantes de nos sensations. Et il ne peut exprimer mieux sa pensée sur cette invention qu'en la comparant à une rétine artificielle mise par M. Daguerre à la disposition des physiciens. »

1839, 8 de Janeiro – JOURNAL des DÉBATS POLITIQUES et LITTÉRAIRES

1839

8 de Janeiro

JOURNAL DES débats politiques et littéraires

Pag. 1

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M. Arago a rendu compte à l’Académie des Sciences, dans la séance d’aujourd’hui, de la belle découverte de M. Daguerre dont le monde, les artistes et les savants eux-mêmes s’entretiennent avec intérêt depuis quelque temps ; cette découverte a été annoncée, dit M. Arago,  dans des termes inexacts et que l’auteur ne peut accepter ; il lui paraît donc convenable de donner à l’Académie des détails précis sur cette merveilleuse invention.

Tout le monde connaît les effets de la chambre noire et la netteté avec laquelle les objets extérieurs viennent se peindre en miniature sur le tableau au moyen d'une lentille. Eh bien! on ne peut pas donner une idée plus juste de la découverte de M. Daguerre, qu'en disant qu'il est parvenu à fixer sur le papier ce dessin si vrai, cette représentation si fidèle des objets de la nature ou des arts, avec toute la dégradation des teintes, la délicatesse des lignes et la rigoureuse exactitude des formes, de la perspective et des différens tons de la lumière.

Quelle que soit l'étendue du tableau, il ne lui faut pour le reproduire que dix minutes ou un quart d'heure suivant l'éclat du jour ; la lumière étant elle-même l'agent de cette merveilleuse gravure, elle agit plus ou moins vite suivant son intensité; c'est ainsi que M. Daguerre, placé sur le pont des Saints- Pères, a pu fixer avec tous ses détails l'immense galerie du Louvre, de même que du pont de l'Archevêché il a dessiné Notre-Dame; aucun objet, aucun aspect de la nature et des choses n'échappent à ce procédé; le matin se reproduit avec sa fraîcheur de même que l'éclatante lumière du jour et la teinte sombre du soir ou mélancolique d'un temps de pluie.

Dans cette gravure singulière, les couleurs sont indiquées par la nuance des ombres et par une dégradation insensible comme dans l'aquatinta.

Maintenant quel est donc l'ingénieux moyen employé par M. Daguerre pour réaliser cette espèce de miracle? Ce que nous venons de dire ne peut manquer d'exciter vivement la curiosité; nous ne connaissons pas ce procédé, et M. Arago n'a pas non plus voulu pénétrer le secret de l'auteur; mais on peut facilement en donner l'idée de manière à faire concevoir ce qui au premier abord paraît incompréhensible.

La chimie moderne possède certaines substances ayant la propriété de changer de couleur au contact de la lumière; et un composé d'argent que l'on nomme le chlorure d'argent est dans ce cas. Si donc un papier préparé avec cette matière offre quelques uns de ses points exposés à la lumière, les autres étant tenus à l'abri, il est clair que l'on produira un dessin quelconque au moyen des différentes teintes que prendront les parties éclairées et les parties soustraites à l'influence du jour; c'est le principe sur lequel M. Daguerre paraît avoir travaillé pendant de longues années, avec une persévérance et une intelligence qui l'ont enfin conduit au but qu'entouraient de nombreuses difficultés; et maintenant que le résultat est obtenu maintenant qu'il est parvenu à rendre inaltérables ces effets produits par la lumière, ce procédé de M. Daguerre se trouve être tellement simple tellement à la portée de tout le monde, qu'il risque de ne pas trouver dans l'exploitation de sa découverte le fruit de ses études et de ses efforts; un brevet d'invention serait impuissant à lui garantir la propriété d'une idée que chacun peut mettre à exécution de soi-même une fois qu'elle sera répandue.

M. Arago se propose donc de demander au ministre de faire l'acquisition du procédé de M. Daguerre et de lui en donner une juste récompense ; cet appel sera probablement entendu, si tous les détails de l'exécution répondent aux effets obtenus qui ont été soumis à l'examen de M. Arago.

M. Biot exprime la même admiration pour cette invention, dont il ne peut rendre le mérite qu'en la comparant à une sorte de rétine physique aussi sensible que la rétine de notre œil.

1839, 12 de Janeiro - THE LITERARY GAZETTE AND JOURNAL OF BELLES LETTRES, ARTS, SCIENCES

1839

12 de Janeiro

THE LITERARY GAZETTE AND JOURNAL OF BELLES LETTRES, ARTS, SCIENCES

 

No. 1147

 

London, Saturday, January, 12, 1839

pAG.28

FINE ARTS

THE DAGUEROTYPE.

Paris, 6th January, 1839

 

We have much pleasure in announcing an important discovery made by M. Daguerre, the celebrated painter of the Diorama. This discovery seems like a prodigy. It disconcerts all the theories of science in light and optics, and, if borne out, promises to make a revolution in the arts of design.

M. Daguerre has discovered a method to fix the images which are represented at the back of a camera obscura; so that these images are not the temporary reflection of object, but their fixed and durable impress, which may be removed from the presence of those objects like a picture or an engraving.

Let our readers fancy the fidelity of the image of nature figured by the camera obscura, and add to it an action of the solar rays which fixes this image, with all its gradations of lights, shadows, and middle tints, and they will have an idea of the beautiful designs, with a sight of which M. Daguerre has gratified our curiosity. M. Daguerre cannot act on paper; he requires a plate of polished metal. It was on copper that we saw several points of the Boulevards, Pont Marie, and the environs, and many others spots, given with a truth which Nature alone can give to her works. M. Daguerre shows you the plain plate of copper: he places it, in your presence, in his apparatus and, in three minutes, if there is a bright summer sun, and a few more, if autumn or winter weaken the power of its beams, he takes out the metal and shows it you, covered with a charming design representing the object towards which the apparatus was turned. Nothing remains but a short mechanical operation – of washing, I believe – and the design, which has been obtained in so few moments, remains unalterably fixed, so that the hottest sun cannot destroy it.

Messrs. Arago, Biot, and Von Humboldt, have ascertained the reality of this discovery, which excited their admiration; and M. Arago will, in a few days, make it known to the Academy of Sciences.

I add some further particulars. Nature in motion cannot be represented, or at least not without great difficulty, by the process in question. In one of the views of the Boulevards, of which I have spoken, all that was walking or moving does not appear in the design; of two horses in a backney coach on the stand, one unluckily moved its head during the short operation; the animal is without a head in the design. Trees are very well represented; but their colour, as it seems, hinders the solar rays from producing their image as quickly as that of houses, and other objects of a different colour. This causes a difficulty for landscape, because there is a certain fixed point of perfection for trees, and another for all objects the colours of which are not green. The consequence is, that when the houses are finished, the trees are not, and when the trees are finished, the houses are too much so.

Inanimate nature, architecture, are the triumph of the apparatus which M. Daguerre means to call after his own name – Daguerotype. A dead spider, seen in the solar microscope, is finished with such detail in the design, that you may study its anatomy, with or without a magnifying glass, as if it were nature itself; not a fibre, not a nerve, but you may trace and examine. For a few hundred francs travelers may, perhaps, be soon able to procure M. Daguerre’s apparatus, and bring back views of the finest monuments, and of the most delightful scenery of the whole world. They will see how far their pencils and brushes are from the truth of the Daguerotype. Let not the draughtsman and the painter, however, despair – the results obtained by M. Daguerre are very different from their works, and, in many cases, cannot be a substitute for them. The effects of this new process have some resemblance to line engraving and mezzotinto, but are much near to the latter: as for truth, they surpass every thing.

I have spoken of the discovery only as it regards art. If what I have heard is correct, M. Dagurre’s discovery tends to nothing less than a new theory on an important branch of science. M. D. generously owns that the first idea of his process was given him, fifteen years ago, by M. Nieps, of Chalons-sur-Saone; but in so imperfect a state, that it has cost him long and persevering labour to attain the object.

H. GAUCHERAUD.

 

[From the “ Gazette de France”, of January 6, 1839.]

Previously to receiving the above, we had written the following paragraph. – Ed. L.G.

 

Nature Painted by Herself. – A French journal contains a remarkable account of experiments with the Camera Lucida, the result of which is the exact and actual preservation of the impressions reflected by natural images upon copper plates. What the process is we are not told, but, as far as we understand it, by exposing the copper to these  reflections, and immediately rubbing it over with a certain material, the likeness of whatever is so impressed is retained with perfect accuracy. Some difficulties occur where there is motion in the objects, whether animals, or leaves of trees stirered by the wind, &c.; but, if really true, this is a very extraordinary discovery for the fine arts. Some of our readers may be aware that, some fourteen or fifteen years ago, Sir H. Davy and other scientific men amongst us, strenuously endeavoured to attain this desideratum; and by means of nitrate of silver, upon which light and shade produced certain effects, seemed to have all but accomplished their end. It was not however complete; for the changes in colour were too evanescent to admit of permanent fixture. We shall be glad to find the French experimenters more successful.

1839, 19 de Janeiro - THE LITERARY GAZETTE AND JOURNAL OF BELLES LETTRES, ARTS, SCIENCES

1839

19 de Janeiro

THE LITERARY GAZETTE AND JOURNAL OF BELLES LETTRES, ARTS, SCIENCES

 

No. 1148

 

London, Saturday, January, 19, 1839

pAG.43, 44

FINE ARTS

THE DAGUEROTYPE.

Paris, 9th January, 1839

 

M. Arago made, on the 7th of this month, a verbal communication to the Academy of Sciences, on the fine discovery of M. Daguerre, which confirms all the important points of the report which we gave last week. We extract some passages – “ In the camera obscura, the image is perfectly defined when the lens is achromatic; the same precision is seen in the images obtained by M. Daguerre, which represent all objects with a degree of perfection which no designer, however skilful, can equal, and finished, in all the details, in a manner that exceeds belief. It is the light which forms the image, on a plate covered with a particular coating. Now, how long a time does the the light require to execute this operation? In our climate, and in ordinary weather, eight or ten minutes; but, under a pure sky,  like that of Egypt, two, perhaps one minute, might suffic to execute the most complex design.”

Consideraring the great utility of the discovery to the public, and the extreme simplicity of the processus, which is such that any person may practise it, M. Arago is of opinion, that it would be impssible, by means of a patent or otherwuise, to secure to the inventor he advantages which he ought to derive from it; and thinks that the best way would be for the government to purchase the secret, and make it public. M. Arago mentions the attemps formerly made to obtain images in a simiar manner, by the action of the light on nitrate of silver:on this point he says, - “M. Daguerre has found a substance infinitely more sensible to the light than the chlorure of silver, wich is altered in a inverse manner, than is to say, which leaves on the several parts of the plate, corresponding to the several parts of the object, dark tints for the shadowy, half tints for the lighter parts, and no tint whatever for the parts that are quite luminous. When this action of the light on he differents parts of the plate has produced the desired effect, M. Daguerre stops it at once, and the design, which he withdraws from the camera-obscura, may be exposed to the full light of the day, without undergoing any alteration.

“ If we consider M. Daguerre’s discovery with respect to the utility which it may have in the sciences, it is evident that so sensible a reagent as that which he has found, may enable us to make photometrical experiments, which have hitherto been reputed imposible. Such, “said M. Arago, “are experiments on the light of the moon; which the Academy had deemed of sufficient importance for it to appoint a committee, composed of M. de Laplace, M. Malus, and myself, to make them. The light of the moon is known to be 300,000 time weaker than that of the sun: yet we did not despair of obtaining some sensible effects, by means of a lens of very large dimensions. We made use of a very large lens, brought from Austria; and, placing some chlorure of silver in the focus, that being the most sensible reagent known, not the slighest discoloration was perceptible. It occurred to me, that M. Daguerre might have more success with his new reagent; and, in fact, he obtained, in twenty minutes, on his dark ground, a white image of the moon, with a lens for less owerful than ours.”

M. Biot added some details to those given by M. Arago. “I have several times, “said he, “seen M. Daguerre, and I can say, that in the numerous trials which he hasmade to attain these astonisshing results, he has discovered several extremely interesting properties of light, some of which might have been foreseen by natural philosophers, as soon  as they inquired what must happen in certain given circumstances, but of wich others were completely unexpected.”

As for the principal discovery, I can speak of the perfection of the results obtained, not after my own judgement, but after that of a celebrated artist, M. Paul Delaroche, in whose company I have examined some of the designs taken by the new process. M. Delaroche thinks they may give, in the manner of expressing by light and shade, not only the relief of objects, but the local tint; the same basrelief in plaster and in marble, will be differently represented in the two designs, and you can tell, at the first glance, which is the image of the plaster.

In one of these designs,you may almost tell the hour of the day. Three views of the same monument are taken; one in the morning, one at noon, and the other in the evening; and nobody will mistake the effect of the morning for that of the evening, though the sun’s altitude, and, consequently, the relative lenghts of the shadows, are the same in both. – Le Temps

 

Paris, 12th January, 1839

 

The discovery of M. Daguerre has been for some time past the subject of marvelous statements. The ingenious contriver of the Diorama had devoted himself to the study of the properties of light, with the ardour and perseverance of which genius alone is capable. Yet the accounts, fabulous as they appeared, are conformable to the truth, except that M. daguerre’s pictures do not give the colour, but only the outlines – the lights and shadows of the model. It is not painting, it is drawing, but drawing carried to a degree of pefection which art can never attain. The facsimlle is fauldess.

Every picture that was shown us produced an excamation of admiration. What fineness in the strokes ! What knowledge of the chiaro-scuro! What delicacy! What exquisite finish! How soft isthat stuff! How salient those bas-reliefs! There is a Venus crouching down, seen in different points of view. How admirably are the foreshortenings given: it is nature itself. All this is wonderful. But who will say that it is not thework of some able draughtsman? Who will assure us that they are not drawings in bistre or sepia? M. Daguerre answers by putting an eyeglass into our hand. Then we perceive the smallest folds of a piece of drapery; the lines of a landscape invisible to the naked eye. With the aid of a spying-glass, we bring the distances near. In the mass of buildings, of acessories, of imperceptible traits, which compose a view of Paris taken from the Pont des Arts, we distinguish the smallest details; we count the paving-stones; we see the humidity caused by the rain; we read theinscription on a shop sign. The effect becomes more astonishing if you employ the microcospe. An insect of the size of a pea, the garden spider, enormously magnified by a solar microscope, is reflected in the same dimensions y the marvellous mirror, and with the most minute accuracy. It is manifest how useful m. daguerre’s discovery will be in the study of natural history.                                     

The artist has already enriched science with the solution of several problems. The experiments on the light of sirius have confirmed the testimony of natural philosophy, and abundantly proved that the stars are bodies of the same nature as the sun. At the request of  M. Biot, M. Daguerre has submitted his apparatus to the influence of the light of the moon, and has succeded in fixing the image of that light, something like the tail of a comet, and we ascribed it to the movement of the body during the operation, which is of much longer duration than that by the light of the sun.

We have seen that the impression of the image is made with more or less rapidity, according to the intensity of the light, which is more powerful a soon than the morning or evening, in summer than in winter, in a latitude near the equator than near the pole. M. Daguerre has hitherto made his experiments in paris ony; and, even under the most favourable circumstances, they have always proceeded with a slowness, which has not allowed him to obtain complete success, except with inanimate nature, or nature in repose. Motion escapes him, or leaves only indefinite and vague traces. It may be presumed that the sun of Africa would give him instantaneous autographs, - images of nature, in motion and life. – Le Commerce.

1839, 20 de Janeiro - JOURNAL DES BEAUX ARTS

1839

20 de Janeiro

JOURNAL DES BEAUX ARTS

Année 6 / Volume 1 / nº2

Pags. 17 - 19

CHRONIQUE.

Le Daguerrotype.

Tout le monde connaît la chambre obscure, appareil qui reflète une image à travers un verre convexe sur une surface blanche, dans un lieu qui ne reçoit de lumière que par ce verre. Là, sur cette surface, se peignent les objets extérieurs; mais ils ne s'y gravent point: ce tableau fugitif disparaît entièrement au grand jour. Voici M. Daguerre, qui, lui, force la nature elle-même à donner à ces images une empreinte fixe et stable, même quand elles sont hors des rayons lumineux qui les ont produites et des objets qu'elles retracent. Ainsi, par son procédé, ce sont les rayons solaires qui ont servi de pinceau, qui ont dessiné ou plutôt calqué les objets avec toutes leurs nuances de jours, d'ombres, de demi-teintes, avec une exactitude poussée jusqu'aux plus petits détails. Et l'opération se fait aussi vite qu'exactement : fait-il un soleil d'été ? cinq minutes environ suffisent ; quelques - unes de plus sont nécessaires si l'automne ou l'hiver affaiblissent les rayons solaires. Tout le secret de l'invention réside dans un enduit dont est couvert le subjectile sur lequel se posent ces rayons lumineux. Le sulfate d'argent, par exemple, noircit au contact de la lumière, de telle sorte que l'image qu'il donne rend en noir les parties éclairées et en clair les parties ombrées; mais ce n'est pas cette matière qu'emploie M. Daguerre , car ses tableaux répètent la nature ombre pour ombre, clair pour clair, demi-teinte pour demi-teinte. D'ailleurs, sur le sulfate d'argent, la lumière n'opère qu'avec lenteur , tandis que l'appareil de M. Daguerre agit presqu'instantanément.

Ainsi donc, et la science l'ignorait , il est une substance douée d'une telle sensibilité que, non seulement elle se pénètre aussitôt de la lumière, mais qu'elle en conserve l'impulsion, qu'elle opère à la fois comme l'air et comme le nerf optique , comme l'instrument matériel de la sensation et comme la sensation même !

La nature en mouvement ne peut pas se rendre par le procédé de M. Daguerre. Dans une des vues de boulevart qu'il a produites, il est arrivé que tout ce qui marchait ou agissait n'a pas pris place dans le dessin: de deux chevaux de fiacre en station , l'un aremué la tète pendant l'opération ; cette tête manque. Les arbres se rendent très bien, mais leur couleur, à ce qu'il paraît, met obstacle à ce que les rayons solaires les reproduisent aussi vite que les maisons et autres objets d'une autre couleur. Il en résulte, malheureusement, que quand les maisons sont achevées dans le dessin, les arbres ne le sont pas, et que lorsque les arbres le sont, les maisons sont trop finies. La nature morte, l'architecture, voilà le triomphe du Daguerrotype.

Ajoutons que la ressemblance des effets obtenus par ce procédé, tient de ceux donnés par la gravure au burin et plus encore de la gravure à la manière noire. Quant à la vérité, ils sont au-dessus de tout.

M. Daguerre avoue généreusement que la première idée de son procédé lui a été fournie, il y a quinze ans, par M. Niens, de Châlons-sur-Marne, mais dans un tel état d'imperfection qu'il lui a fallu un long et opiniâtre travail pour arriver au but qu'il a atteint.

M. Daguerre doit donner des expériences publiques de sa découverte; lorsqu'elles auront lieu, nous reviendrons à ce procédé important pour les arts des dessins.

En attendant, nous rappellerons que les galeries du Louvre sont fermées à l'étude à compter du 20 janvier………..

1839, 25 de Janeiro

1839

25 de Janeiro

 

MICHAEL FARADAY, apresenta à Royal Institution os desenhos photogénicos de WILLIAM HENRY FOX TALBOT.

1839, 28 de Janeiro - JOURNAL des DÉBATS POLITIQUES et LITTÉRAIRES

1839

28 de Janeiro

JOURNAL DES débats politiques et littéraires

Pag. 1, 2

Feuilleton du Journal des Débats.

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Nous empruntons à l'Artiste un journal très bien fait et très instruit en ces sortes de matières, l'article suivant :

 

LE DAGUEROTYPE.

 

A la fin, nous avons pu voir de nos yeux, toucher de nos mains cette incroyable et admirable invention de Daguerre. Il n'est pas besoin de s'occuper, comme nous faisons, des beaux-arts et de leurs moindres détails, pour connaître Daguerre. Son nom est populaire en Europe; il a été d'abord un peintre habile; mais son art même ne lui a pas suffi, et il a voulu trouver quelque chose un peu au-delà de la peinture. Ce quelque chose, c'était le Diorama. Par la toute-puissance de cet art qu'il agrandissait, Daguerre nous a fait entrer dans l'intérieur des tableaux, dont, avant lui, on ne voyait que la surface. Vous avez pénétré à sa suite dans les vieilles églises en ruines ; vous avez gravi la montagne, descendu le vallon ; vous avez parcouru les fleuves et les mers; l'enchanteur vous a promené sans fatigue dans les plus curieuses capitales ; cet homme habile s'il en fut se jouait de tous les effets les plus multipliés de la lumière et de la couleur, qu'il faisait agir à son gré, l'une et l'autre, comme s'il en était le maître souverain. A de pareils spectacles, si nouveaux pour lui, le public restait ébahi et confondu d'admiration. Les peintres disaient entre eux : Mais quel dommage que Daguerre, ce grand peintre, s'obstine ainsi à faire des tableaux plus beaux que la peinture ! A cette admiration et à ces reproches, Daguerre répondait en souriant ; car lui seul savait bien où il voulait aller.

A force donc d'étudier d'une façon si persévérante dans son sanctuaire du Diorama, où il produisait tant de chefs-d'œuvre, la nuance intime de la lumière et de la couleur; à force de commander au soleil et de le porter çà et là, esclave obéissant et volontaire sur tous les points où il était besoin de son rayon vigoureux ou pâle, l'inventeur du Diorama devait arriver à des résultats étranges. Ce qui n'était pour nous, frivoles, qu’un jeu frivole en apparence, était en résultat une étude sévère et complète de cette science qu'il devait pousser jusqu'aux dernières limites. Vous souvient-il de deux tableanx célèbres du Diorama la Voilée de Goldau et la Messe de Minuit à l'église Saint-Etienne-du-Mont? Dans l'un et l'autre tableau, la lumière agit ainsi : vous voyez d'abord la vallée calme et sereine, comme un beau paysage de la Suisse par un tranquille et frais soleil ; l'humble chalet est posé légèrement sur le versant de la montagne; la verdoyante prairie étend son fin tapis sur les bords du petit ruisseau qui serpente ; la vie est partout dans ce doux petit recoin du monde : l'arbre s'agite, la chèvre broute, l'oiseau chante, le paysan travaille. Tout à coup, mais quelle horrible révolution voici que le sommet de ces montagnes s'ébranle, voici que le gazon disparait pour faire place à la terre bouleversée…… Au secours! au secours ! Une avalanche de terre engloutit le petit chalet, le ruisseau débordé devient un torrent terrible, l'arbre déraciné jette au loin ses branches et sa ruine. Vous assistez ainsi au plus terrible bouleversement, et vous vous écriez : Quelle tempête ! quel affreux tremblement de terre ! Mais qui donc est l'auteur de tous ces ravages ? - L'auteur de tous ces ravages, c'est le même homme qui, tout à l'heure, semait autour as vous tant d'idées fraîches et riantes ; ce tableau terrible d'une dévastation sans bornes, c'est le même paysage si doux sur lequel vos yeux charmés se reposaient tout à l'heure. Par une certaine combinaison de l'ombre, de la lumière et de la couleur, il arrive que tout à coup le chalet est devenu un roc, la prairie une terre fraîchement remuée, le ruisseau un torrent, l'arbre une ruine, l'homme vivant un cadavre. Le vulgaire admirait toutes ces transformations incroyables sans nullement sans rendre compte. Celui seul qui s'en rendait compte complètement, c'était Daguerre.

Il en était de même de la Messe de minuit. Vous entriez dans la vieille église, elle était vide. Pas une seule vieille femme agenouillée au pied de l'autel, pas un prêtre dans le sanctuaire, pas un enfant de chœur, pas même le donneur d'eau bénite à la porte. La lumière seule remplissait le vide de ces arceaux gothiques ; elle allait se perdant au loin, éclairant toutes les profondeurs de l'édifice. Peu à peu, cependant, à la lumière décroissante, vous voyez entrer quelques fidèles, puis la foule arriver, puis l'église se remplir jusqu'aux combles. C'en est fait, les cierges s'allument, les prêtres sont dans leurs stalles, les femmes sont agenouillées sur leur prie-dieu, les hommes se tiennent debout dans l’attitude du respect. Dans la chaire gothique, le prédicateur est monté, et il jette à tous la sainte parole. Quand tout est dit, la foule proternée se relève l'église se vide peu à peu, les prêtres rentrent dans la sacristie, le prédicateur descend de sa chaire, le sacristain ferme la porte du temple, le crépuscule du jour naissant redescend sur ces dalles sonores. Cette fois encore l'église est vide, et cependant c'est toujours la même église, c'est toujours le même tableau, rien n'a changé. Vous allez voir maintenant à quel but mystérieux ces essais pérsévérans devaient conduire Daguerre.

A force d'études, ce peintre célèbre était parvenu à être un grand chimiste ; il avait observé, sans nul doute, que telle nuance vigoureuse au grand jour, s'effaçait à mesure que s'effaçait la lumière, et disparaissait complètement. Il savait, en outre, ce que nous savons tous, l'action du soleil et de la lumière sur la couleur. Il se proposa donc, avec cette persévérance acharnée qui est le génie, la solution du problème suivant : Trouver une couleur ainsi faite, que le soleil, bien plus, que la lumière seule enlève en partie, pendant que l'autre partie résiste et reste immobile à sa place; forcer le jour à agir sur cette ombre donnée, comme ferait le burin divin de quelque Morghen invisible, et ainsi jeter sur cette planche unie et sombre la forme et la vie ; forcer le soleil, cet œil du monde, à n'être plus qu'un ingénieux ouvrier sous les ordres d'un maître ! voilà sans contredit le plus étrange, le plus difficile, le plus incroyable problème qu'un homme se soit proposé de nos jours. Pour la difficulté, nous ne disons pas pour l'utilité de l'œuvre, l'inventeur de la vapeur ne vient que le second.

Par quelle suite incroyable d'essais, de tentatives, de recherches, de péripéties de tous genres, l'auteur du Daguerotype est arrivé au résultat que nous allons vous dire, c'est encore son secret. Plus tard, il l'expliquera lui-même à toute l'Europe, quand la France, libérale et désintéressée entre toutes les nations du monde, lai aura fait à l'Europe, ce noble présent. Toujours est-il qu'à force de persévérance et de génie, et par une suite infinie d'essais, M. Daguerre est arrivé au résultat que voici : II a composé un certain vernis noir; ce vernis s'étend sur une planche quelconque la planche est exposée au grand jour, et aussitôt, et quelle que soit l'ombre qui se projette sur cette planche, la terre ou le ciel, ou l'eau courante, la cathédrale qui se perd dans le nuage, ou bien la pierre, le pavé, le grain de sable imperceptible qui flotte à la surface toutes ces choses, grandes ou petites, qui sont égales devant le solail, se gravent à l’instant même dans cette espèce de chambre obscure qui conserve toutes les empreintes. Jamais le dessin des plus grands maîtres n'a produit de dessin pareil. Si la masse est admirable, les détails sont infinis. Songez donc que c'est le soleil lui-même, introduit cette fois comme l'agent tout puissant d'un art tout nouveau, qui produit ces travaux incroyables. Cette fois, ce n'est plus le regard incertain de 1’homme qui, découvre au loin l'ombre ou la lumière, ce n'est plus sa main tremblante qui reproduit sur un papier mobile la scène changeante de ce monde, que le vide emporte.

Cette fois; il n'est plus besoin de passer trois jours sous le même point du ciel ou de la terre pour en avoir à peine une ombre défigurée. Le prodige s'opère à l'instant même, aussi prompt que la pensée, aussi rapide que le rayon du soleil qui va frapper là-bas l'aride montagne ou la fleur è peine éclose. Il y a un beau passage dans la Bible : Dieu dit : Que la lumière soit, la lumière fut. A cette heure vous direz aux tours de Notre-Dame : « Placez-vous là », et les tours obéiront; et c'est ainsi qu'elles ont obéi à Dagaerre, qui, un beau jour, les a rapportées chez lui tout entières, depuis la pierre formidable sur laquelle elles sont fondées, jusqu'à la flèche mince et légère qu'elles portent dans les airs, et que personne n'avait vue encore, excepté Daguerre et le soleil.

Ce que nous vous disons là est bien étrange; mais rien n'est incroyable comme certaines vérités. Napoléon lui même, cet homme qui comprenait toute chose, n'a pas voulu croire qu'une légère vapeur enfermée dans un tube de fer pouvait soulever le monde et il appelait un jouet d'enfant ce bateau à vapeur qui fonctionnait sous ses yeux. Il faudra bien cependant qu'on croie au Daguerotype; car nulle main humaine ne pourrait dessiner comme dessine le soleil; nul regard humain ne pourrait plonger aussi avant dans ces flots de lumière, dans ces ténèbres profondes. Nous avons vu ainsi reproduits les plus grands monumens de Paris, qui, cette fois, va devenir véritablement la ville éternelle. Nous avons vu le Louvre, l'Institut, les Tuileries, le Pont-Neuf, Notre-Dame de Paris; nous avons vu le pavé de la Grève, l'eau de la Seine, le ciel qui couvre Sainte Geneviève, et dans chacun de ces chefs-d'œuvre c'était la même perfection divine.

L'art n'a plus rien à débattre avec ce nouveau rival ; il ne s' agit pas ici, notez-le bien, d'une grossière invention mécanique qui reproduit tout au plus des masses sans ombre, sans détail, sans autre résultat qu’un bénéfice de quelques heures d'un travail manuel. Non, il s'agit ici de la plus délicate, de la plus fine de la plus complète reproduction à laquelle puissent aspirer les œuvres de Dieu et les ouvrages des hommes. Et notez bien encore ceci, que cette reproduction est bien loin d'être une et uniforme, comme on pourrait le croire encore. Au contraire, pas un de ces tableaux, exécutés d'après le même procédé, ne ressemble au tableau précédent : l'heure du jour, la couleur du ciel, la limpidité de l'air, la douce chaleur du printemps, la rude austérité de l'hiver, les teintes chaudes de l'automne, le raflet de l'eau transparente, tous les accidens de l'atmosphère se reproduisent merveilleusement dans ces tableaux merveilleux qu'on dirait enfantés sous le souffle des génies aériens.

C'est ainsi que dans une suite de tableaux créés par le Daguerotype, nous avons vu Paris reproduit par un chaud rayon de soleil; le soleil avait déteint sur ces nobles murailles, qui ressortaient vigoureusement de cette ombre fantastique ; après quoi nous avons vu Paris reproduit sous son voile de nuages, quand l'eau descend tristement goutte à goutte, quand le ciel est couvert d'un crêpe mouillé, quand le froid resserre tristement les moindres pierres de la ville. Ainsi, eette manière de reproduire le monde extérieur ajoutera au grand mérite d'une fidélité de détail impossible à dire, le grand mérite d'une incroyable fidélité de la lumière. Il arrivera donc qu'au premier coup d'œil, vous reconnaîtrez le dessin reproduit par le pâle soleil parisien, et le dessin exécuté par l'ardent soleil d'Italie. Vous direz à coup sûr : voici un paysage rapporté des froids vallons de la Suisse ; voici un aspect emprunté aux déserts de Sahara; vous distinguerez le campanille de Florence des tours de Notre-Dame, par la seule inspection du ciel dans lequel elles s'élèvent l'une et l'autre, les deux tours élégantes ou terribles. Merveilleuse découverte en effet, qui conserve non seulement l'identité des lieux, mais encore l'identité du soleil.

Et notez bien encore que l'homme reste toujous le maître, même de la lumière qu'il fait agir. Une seconde de plus ou de moins, consacrée à cette œuvre, compte pour beaucoup. Tenez-vons aux détails plus qu'à la masse ? en deux minutes, vous avez un dessin comme les fait Martinn ; confusion poétique et tant soit peu voilée, dans laquelle l'œil devine plus de choses qu'il n'en voit en effet. Voulez-vous, au contraire, comme l'architecte, que le monument vienne en relief et se montre à vous tel qu'il a été construit et dégagé de tout entourage qui pourrait en diminuer l'effet ? Cette fois encore, le soleil obéira, il dévorera tous les accessoires, et votre monument restera isolé, comme la colonne au milieu de la place Vendôme. Vous obtiendrez par le même procédé tous les effets que vous voudrez obtenir, depuis l'aube naissante jusqu'aux derniers crépuscules du soir.

Ce qui n'est pas un de nos moindres sujets d'admiration,  c'est qu'une fois l'œuvre accomplie par le soleil ou la lumière, le soleil ou la lumière n'y peuvent plus rien. Ce frêle vernis, sur lequel le moindre rayon avait tant d'empire tout à l'heure, maintenant vous l'exposez en vain au grand jour; il est durable, impérissable somme une gravure sur acier. Il est impossible de commander d'une façon plus impérieuse; c'est dire vraiment à la lumière : Tu n'iras pas plus loin.

Vous avez vu l'effet de la chambre obscure. Dans la chambre obscure se reflètent les objets extérieurs avec une vérité sans égale; mais la chambre obscure ne produit rien par elle-même; ce n'est pas un tableau, c'est un miroir dans lequel rien ne reste. Figurez-vous, maintenant, que le miroir a gardé l'empreinte de tous les objets qui s'y sont reflétés vous aurez une idée à peu près complète du Daguerotype.

Mais bien plus, la lune elle-même, cette incertaine et mouvante clarté, ce pâle reflet du soleil, dont il est éloigné de quarante millions de lieues ; la lune mord aussi sur cette couleur, qu'on peut dire inspirés. Nous avons vu le portrait de l'astre changeant se refléter dans le miroir de Daguerre, au grand étonnement da cet illustre Arago, qui ne savait pas tant de puissance à son astre favori.

Soumettez au microscope solaire l'aile d'une mouche, et le Daguerotype, aussi puissant que le microspoce, va reproduire l'aile de cette mouche dans ces dimensions incommensurables, qu'on dirait emprutées aux contes des fées. Maintenant, est-il besoin de vous dire toutes les applications sans fin de cette immense découverte, qui sera peut-être l’honneur de ce siècle? Le Daguerotype est destiné à reproduire les beaux aspects de la nature et de l'art, à peu près comme l'imprimerie reproduit les chefs-d'œuvre de l'esprit humain. C'est une gravure à la portée de tous et de chacun; c'est un crayon obéissant comme la pensée; c'est un miroir qui garde toutes les empreintes; c'est la mémoire fidèle de tous les monumens, de tous les paysages de l'univers; c'est la reproduction incessante, spontanée, infatigable, des cent mille chefs-d'œuvre que le temps a renversés ou construits sur la surface du globe. Le Daguerotype sera le compagnon indispensable du voyageur qui ne sait pas dessiner, et de l'artiste qui n'a pas le temps de dessiner. Il est destiné à populariser chez nous, et à peu de frais, les plus belles œuvres des arts dont nous n'avons que des copies coûteuses et infidèles; avant peu, et quand on ne voudra pas être soi-même son propre graveur, on enverra son enfant au Musée, et on lui dira : II faut que dans trois heures tu me rapportes un tableau de Murillo ou de Raphaël. On écrira a Rome : Envoyez-moi par le prochain courrier la coupole de Saint-Pierre, et la coupole de Saint-Pierre vous arrivera courrier pour courrier. Vous passez, à Anvers, vous admirez la maison de Rubens, et vous envoyez à votre architecte cette maison sans rivale dans les caprices flamands Voilà, dites-vous, la maison que je veux bâtir; et, sur ce dessin fidèle, l'architecte retrouve un à un tous les ornemens de cette pierre devenue dentelle sous le ciseau du sculpteur. Désormais, le Daguerotype suffira à tous les besoins des arts, à tous les caprices de la vie. Vous emporterez avec vous, et sans qu'elle le sache, la blanche maison sous laquelle se cache votre maîtresse. Vous ferez vous-même la copie d'un beau portrait de M. Ingres, et vous direz : Que m'importe à présent que ce portrait n'ait point été livré à la gravure? j'ai beaucoup mieux qu'une gravure, j'ai aussi bien qu'un dessin de M. Ingres. Mon Dieu, pour se servir de cet ingénieux miroir, il ne sera pas besoin d'être un grand voyageur dans les pays déserts comme M. Combes, d'être un grand poëte comme M. de Lamartine, de marcher comme le comte Demidoff à travers les déserts de la Russie méridionale à la tête d'une armée de savans et d'artistes ; dans les plus simples et les plus douces passions de la vie, le Daguerotype aura son utilité et son charme; il reproduira à l'instant toute les choses aimées le fauteuil de l'aïeul, le berceau de l'enfant, la tombe du vieillard.

M. Daguerre espère bien qu'avant peu il parviendra aussi à obtenir le portrait, sans qu'il soit besoin du portrait préalable de M. Ingres. Il est déjà en train d'inventer une machine à l'aide de laquelle le sujet restera parfaitement immobile; car telle est la puissance de ce reproducteur acharné, le Daguerotype, qu'il reproduit à l'instant même le coup d'œil, le froncement du sourcil, la moindre ride du front, la moindre boucle de cheveux qui s'agite. Prenez la loupe ; voyez-vous, sur ce sable uni, ce quelque chose d'un peu plus obscur que le reste? c'est un oiseau qui aura passé dans le ciel.

Nous vivons dans une singulière époque; nous ne songeons plus de nos jours à rien produire par nous-mêmes ; mais, en revanche, nous recherchons avec une persévérance sans égale les moyens de faire reproduire pour nous et à notre place. La vapeur a quintuplé le nombre des travailleurs ; avant peu, les chemins de fer doubleront ce capital fugitif qu'on appelle la vie; le gaz a remplacé le soleil; on tente à cette heure des essais sans fin pour trouver un chemin dans les airs. Cette rage de moyens surnaturels a passé bientôt du monde des faits daas le moufle des idées, du commerce dans les arts. Il n'y a pas déjà si long-temps qu'a été inventé le Diagraphe-Gavard, au moyen duquel les plafonds obéissans du palais de Versailles viennent d'eux-mêmes se poser sur le papier, reproduits par la main d'un enfant sans expérience. L'autre jour encore, un autre homme de génie, le même qui a trouvé le moyen de reproduire en relief toutes les médailles antiques ou modernes, M. Colas, inventait une roue à l'aide de laquelle il a reproduit, avec une admirable et incroyable vérité, la Vénus de Milo. Voici maintenant qu'avec cet enduit étendu sur une planche de cuivre, M. Daguerre remplace le dessin et la gravure. Laisssez-les faire, avant peu vous aurez des machines qui vous dicteront des comédies de Molière et feront des vers comme le grand Corneille : ainsi soit-il.

Use proposition va être faite aux Chambres par M. Arago lui-même, pour donner à M. Daguerre, non pas un brevet d'invention, il est tout disposé à démontrer publiquement son procédé, mais une récompense nationale qui lui donne la moyen de se ruiner encore une fois pour une nouvelle découverte. Certes, malgré toute sa prudence de nation constitutionnelle, représentée par des bourgeois très peu disposés à estimer tout ce qui n'est pas une charrue, une forge, ou une truelle, la France ne saurait trop récompenser ce génie et cette persévérance, arrivés à un pareil résultat. Elle accordera, sans nul doute, à l'auteur de la gravure universelle, non pas la récompense qu'il mérite, mais seulement la récompense qu'il demande. Puis, quand elle aura fait de Daguerre un homme riche autant qu'il est cdlèbre; quand elle lui aura ouvert les portes de cet Institut qui le réclame la France dira à l'Europe : Je vous ai déjà donné la vapeur; maintenant baissez-vous et ramassez à mes pieds le nouveau présent que je vous fais.

J. J.